Les guerriers de l’hiver

Coup de coeur pour le nouveau roman d'Olivier Norek

Les guerriers de l’hiver d’Olivier Norek
– aux éditions Michel Lafon –

Olivier Norek entre dans la police en 1997, intègre plusieurs unités de la PJ Paris, et notamment, en qualité d’officier, le SDPJ 93, un des services réputés les plus difficiles. Auteur de nombreux romans policiers à succès, mais également de nouvelles et de scénarios, il est de ceux qui, pour préparer le lecteur à un roman immersif, en véritable correspondant de guerre, se retranche et s’isole dans l’univers qu’il va conter. Il en est ainsi pour nombre de ses ouvrages tels Surtensionsou Dans les brumes de Capelans. Ce n’est pas sans rappeler d’autres auteurs emblématiques.

 

Tel Cornélius Ryan, correspondant de guerre pour The Daily Telegraph, qui couvre les actions de la célèbre 3ème armée du général Patton et publie, en 1959, le véritable premier ouvrage sur le débarquement en Normandie, Le jour le plus long. L’œuvre de Ryan est éditée après enquête auprès d’une cinquantaine de correspondants de guerre et des milliers de personnes dont des soldats alliés aussi bien qu’allemands.

 

Ce livre a marqué l’histoire

Tel Joseph Kessel, engagé volontaire en 14-18, et, lui aussi correspondant de guerre lors du second conflit mondial, se consacrant au devoir de mémoire en produisant des biographies comme celle de Felix Kersten dans Les mains du miracle ; l’histoire du masseur et médecin en thérapie manuelle qui a soigné, entre autres, Heinrich Himmler et qui utilise son influence auprès du chef des SS pour obtenir la libération de milliers de prisonniers des camps de concentration.

 

Cet ouvrage a imprégné l’histoire.

 

Sorti fin août, le dernier Norek, Les guerriers de l’hiver, ne déroge pas à la règle. Et quel roman ! Hiver 1939, l’un des plus rigoureux que la planète ait connu, par moins 51 degrés, la Russie et ses 180 millions d’habitants, attaque la Finlande, forte de ses 3 millions d’âmes. C’est le début d’une guerre méconnue qui va durer un peu plus d’une centaine de jours, dont les acteurs, s’ils s’arrêtent, s’ils transpirent, meurent immédiatement sur place, sans même combattre. L’enfer blanc, au sein duquel les fermiers finlandais deviennent, contre toute attente, de redoutables adversaires.

C’est cette histoire qu’Olivier Norek est allé chercher, sur les traces de soldats qu’il a suivies jusqu’à la frontière Finno-russe, visitant les cimetières, les hameaux, les églises, les greniers, recueillant les témoignages, les anecdotes, regroupant les photos, les articles de presse. Une histoire quasi-effacée, quasi-inconnue, quasi-perdue. Quel manuel la retrace ? Quelle émission la présente ? Quel journal remémore sa date anniversaire ? Qui connaît les noms de ses héros ? Fouillez dans votre mémoire, remuez vos archives personnelles, faites même, si le cœur vous en dit, appel à un ami ; qui connaît Simo le tireur d’élite guidé par l’intuition ? Juutilainen l’officier sans peur et sans pitié ? Leena l’infirmière bienfaitrice ? Tous issus des forêts du grand nord, lieu de prédilection du froid polaire où règne… la mort blanche. Ne cherchez pas, seuls quelques personnes ont encore à l’esprit ces 113 jours d’horreur.

 

Une guerre méconnue, des soldats oubliés.

 

Le conflit débute, comme un classique de la déclaration de guerre, par une manipulation grossière de la Russie qui bombarde ses propres troupes en faisant croire au monde entier que l’attaque vient des Finlandais. Personne n’est dupe, mais personne ne réagit. La communauté internationale, tellement lente dans ses prises de décisions, laisse la Finlande seule face à son destin, sans savoir que le destin du monde se joue aussi sous ses yeux. La France n’est pas en reste en termes d’immobilisme et va même jusqu’à proclamer officiellement l’envoi de troupes et de chars, annonce qui ne sera suivie d’aucun effet. La politique, déjà, encore… avec Daladier aux manettes.

 

C’est sans compter sur l’œil d’Olivier Norek, un des écrivains français les plus en vue aujourd’hui, dont la vision du conflit est contée à travers l’histoire de personnages emblématiques. Son talent fait le reste pour décrire leur courage, leur abnégation, leur créativité afin de maintenir à portée de tir une armée entière de russes qui, sans vraiment de stratégie, poussée par ses officiers politiques, est persuadée de sa victoire totale et rapide. Parmi les héros finlandais, Simo, le tireur d’élite le plus talentueux de l’histoire, qui, armé d’un seul fusil de chasse, sans lunette de visée, atteint des cibles à plus de 500 mètres. Un homme, à la fois petit et grand, qu’aucune balle ne peut transpercer et dont nombre de russe a une peur bleue.

Chaque conflit, chaque bataille, chaque combat a son conteur ; Cornelius Ryan pour le débarquement des troupes alliées en Normandie ; Michel Herubel pour la bataille des Ardennes, David Cornut pour celle de Little big Horn, Maurice Genevoix pour celle de Verdun, Robert McNamara pour la tragédie du Viêtnam, Antony Cave Brown pour la guerre secrète et aujourd’hui Olivier Norek pour la guerre d’hiver. L’auteur, initialement spécialisé dans le polar, s’essaye au roman historique et franchit l’obstacle avec brio et avec pour arme l’authenticité. Certaines descriptions des affrontements ne sont pas sans rappeler celles d’Antony Beevor dans Stalingrad, autre chef d’œuvre des batailles emblématiques. La souffrance du froid glacial de l’hiver y est, dans les deux ouvrages, décrite avec un style qui pousse le lecteur à prendre conscience de la chance qu’il a de ne pas vivre de tels moments.

 

Les guerriers de l’hiver. Un livre qui a déjà pénétré l’histoire.