Franck Mancuso a passé 20 ans au sein de la police judiciaire ; brigade des stups, anti-terrorisme et grand banditisme au menu. Ses connaissances en matière d’enquêtes judiciaires complexes sont donc bien ancrées. Il fait partie des grands flics de ces dernières années. Aujourd’hui, devenu scénariste et réalisateur, il s’inspire de cette expérience au profit du cinéma et de la télévision, donnant naissance à de grands films ou téléfilms : 36 quai des Orfèvres, commissaire Moulin (scénariste), contre-enquête, RIF, meurtre en Cornouaille (réalisateur).

Ne manquait donc à son tableau de chasse que l’écriture d’un livre.

C’est chose faite depuis la sortie du « Passeur » aux éditions Récamier Noir le 31 octobre dernier. Pour le plus grand bonheur des lecteurs de polar.

Il met en scène un commandant de police de la brigade criminelle, qui, en plein déménagement d’un 36 à l’autre, se prend l’idée de se coller une balle dans la tête, lui, qui, depuis les décès tragiques de sa femme et de son fils, ne supporte plus leur absence. Mais l’acte suicidaire se transforme en un incompréhensible loupé qui le renvoie quai des Orfèvres et le propulse à la tête d’une triple enquête de meurtres ; et pas des moindres, celui d’une rock star, celui d’un candidat à l’élection présidentielle et celui d’un sportif de haut niveau. Gabriel Spaak devra alors surmonter ses peurs, ses faiblesses, sa psychologue et sa chef de service pour tenter de faire ressortir la vérité, celle pour laquelle tout policier se bat.

L’histoire est bien ficelée, mêlant polar et fantastique ; le rythme est soutenu, rendant la lecture addictive ; mais c’est dans le style que Franck Mancuso se détache le plus des auteurs de romans policiers traditionnels. En effet, son passé de policier, couplé à celui de scénariste, dynamisent le récit d’une manière intelligemment originale. Le lecteur sera ainsi plongé dans un univers visuellement accessible, le tout au cœur d’une ambiance PJ telle que les enquêteurs des années 90-2000 l’ont connue. Dans ce livre, les flics parlent comme des flics et les psy parlent comme des psy. Franck Mancuso est un fin connaisseur du milieu et du cinéma, et a su retranscrire les atmosphères et les décors. Les répliques claquent, les jeux de mots fusent, la répartie est de mise, les scènes sont visuelles. Gabriel Spaak en devient un flic attachant, courageux et intuitif. Tout ce que le lecteur de polar adore. Le pari est donc réussi.

Mais quittons quelques instants le monde policier pour se transporter dans celui de la mythologie. Vous y découvrirez Charon. Il n’est pas ici, le satellite de la planète naine Pluton, mais bien le sujet d’Hadès le roi des enfers responsable du passage du fleuve Styx par les morts. Charon les fait traverser à bord de sa barque pour les mener de la berge des vivants à celles des morts. Ceux-ci doivent lui remettre de la monnaie pour profiter de cette traversée. C’est la raison pour laquelle les Grecs plaçaient une pièce dans la bouche des défunts, afin qu’ils puissent franchir le Styx et accéder aux mondes de l’au-delà. Plusieurs personnages emblématiques de la mythologie grecque ont eu à faire à Charon, comme Héraclès qui l’a vaincu par sa force ou encore Orphée qui l’a charmée avec sa lyre. Une fois le Styx franchi, les morts sont jugés par Hadès et ses juges afin de savoir dans quel lieu ils méritent de se rendre pour l’éternité, enfer ou paradis, tatare ou Champs-Elysées.

Que vient faire la mythologie grecque dans un polar ? direz-vous.

Pour en connaitre la réponse, il vous faudra lire le passeur de Franck Mancuso, le polar X-files à la frontière du réel…